La libération massive de détenus est plus une volonté de décrisper la tension politique. Les organisations de défense des droits de l’homme ne sont pas autorisées à visiter pour s’enquérir des conditions de détention de Rebeuss et pour voir s’il y a ou non des mineurs dans cette prison. C’est en ces termes que le Directeur exécutif d’Amnesty international Sénégal, Seydi Gassama, décrypte la sortie du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Aïssata Tall Sall, qui a nié l’incarcération d’enfants dans le cadre des manifestations politique.
Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Aïssata Tall Sall, a réfuté, en conférence de presse avant-hier, mardi 20 février 2024, l’existence de détenus mineurs à la Maison d’arrêt de Reubeuss, malgré les déclarations d’anciens pensionnaires de ce lieu de détention, soutenant le contraire. Le Directeur exécutif d’Amnesty international section Sénégal, Seydi Gassama, interrogé sur la question, déclare : «on ne peut pas infirmer ni confirmer qu’il y a des détenus mineurs à Reubeuss».
La raison est, dit-il, que «nous n’avons jamais été autorisés à visiter Reubeuss. J’y étais une seule fois et c’est au début des années 2000. Depuis lors, nous n’avons jamais été autorisés, dans le cadre de notre travail, à visiter Reubeuss. Au mois d’avril passé, on avait l’autorisation d’y aller. Quand nous sommes arrivés, on nous a dit qu’on ne peut pas accéder à la détention pour discuter et rencontrer les détenus, comme nous le faisons dans toutes les prisons du Sénégal. Aucune ONG n’accède dans la détention, c’est-à-dire dans les cellules pour voir, interroger les détenus».
S’agissant des enquêtes sur les décès de manifestants, Seydi Gassama estime que, le ministre de la Justice n’a rien dit de nouveau. «Elle a fait le discours que tous les autres Gardes des Sceaux ont tenu dans le passé à savoir que des enquêtes sont ouvertes. Elles le sont à la suite des plaintes déposées par les familles des victimes. Amnesty et d’autres organisations comme la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho), la Ligue sénégalaise des droits humains (Lsdh) qui ont assisté les familles à porter plainte auprès du cabinet d’instruction. Mais, pour les cas de mars 2021, aucun acte d’instruction n’a été posé», affirme-t-il.
Seydi Gassama a trouvé, par ailleurs, que la conférence de presse d’Aïssata Tall Sall était nécessaire. «Dans le contexte actuel où on observe des libérations massives de détenus, il est nécessaire d’éclairer les Sénégalais sur les conditions dans lesquelles ces libérations ont lieu. Beaucoup de personnes pensent que les prisons ont été ouvertes et on a demandé aux gens de rentrer chez eux, sans que les procédures en vigueur soient respectées. Il était bon d’apporter ces précisions, pour éviter que la justice incarnée par les magistrats ne soit discréditée», soutient-il en qualifiant l’exercice, «d’une très bonne sortie».
Même si le défenseur des droits de l’homme trouve opportune le face avec face du Garde des Sceaux avec les journalistes, il n’est toutefois pas convaincu par les informations transmises. «Nous avons beaucoup de réserves quant au fond. Les libérations qui ont eues lieu, justifiées par la nécessité de désengorger les prisons, ne sont pas les vraies raisons. Cela fait des années que nous décrions les longues détentions préventives, les conditions à Reubeuss. Je pense clairement que ces libérations entrent dans le cadre des mesures préconisées par le président de la République, Macky Sall, lors du Conseil des ministres du 7 février», estime Seydi Gassama qui rappelle qu’à cet effet, le chef de l’Etat, Macky Sall, disait avoir donné instruction au Garde des Sceaux, de prendre des mesures destinées à décrisper la situation politique. Seydi Gassama reconnait, par ailleurs, qu’Aïssata Tall Sall a comme préoccupation d’éviter que les gens soient détenus pendant longtemps sans être jugés.