De cette coupe du monde 2022, le Sénégal est considéré comme la cinquième nation possédant l’effectif le plus jeune soit une moyenne d’âge de 26,2 ans. Mais dans les faits, l’ossature de cette équipe nationale reste vieillissante et la transition générationnelle, un processus lent. Round Up des maux de la sélection avec les analyses de Cheikh Sidy Ba.
Les Three Lions avaient bien plus de mordant que les Lions du Sénégal. Aliou Cissé et ses hommes ont pris la porte de cette coupe du monde 2022 en 8es de finale en s’inclinant sur le score de 3 buts à 0. Kalidou Koulibaly et ses coéquipiers ont littéralement bu la tasse -de thé- devant le raz-de-marée British. Outre cette défaite salée, ce mondial a permis de remettre sur la table la question de la transition générationnelle de l’équipe nationale. L’illustration la plus fraîche dans les mémoires reste ce même match contre l’Angleterre où les absences de quelques cadres de cette équipe -Cheikhou Kouyaté (32 ans) et Idrissa Gueye (33 ans)-, ajoutées à la prestation décevante de Kalidou Koulibaly (31 ans), ont été préjudiciables à l’ensemble du groupe. Sans pour autant nier la supériorité des Anglais, cette donnée fait ressortir deux hypothèses : la première est que l’équipe nationale du Sénégal reste dépendante de ses « vieux » et la deuxième, concerne la relève qui paraît avoir encore les épaules frêles.
A la genèse d’une colonne vertébrale indéboulonnable
On est à des années lumière de la crise que le football sénégalais a connue après la coupe du monde de 2002 où la génération d’El Hadji Diouf avait terminé en quarts de finale. Une situation qui, on le rappelle, a entraîné une refonte du football sénégalais en 2008 menée d’une main de maître par Mamadou Diagna Ndiaye à travers le comité de normalisation. Les fondements posés en ce temps tiennent bien jusqu’à présent. C’est d’ailleurs ce soubassement qui a permis l’éclosion de la génération des Sadio Mané and Co lors des JO de Londres de 2012, bien encadrée par le défunt Karim Séga Diouf et un certain Aliou Cissé. Dans la continuité, ces jeunes loups vont connaître des entrées progressives dans la tanière après la débâcle de Bata (CAN 2012 Gabon-Guinée. Ils vont être rejoints en 2015 par Aliou Cissé qui va fortement s’appuyer sur ces ex « olympiens » pour bâtir son groupe. De 2015 à nos jours, 4 joueurs constituent le noyau sur lequel gravite le reste de l’équipe : Sadio Mané, Cheikhou Kouyaté, Idrissa Gana Gueye et Saliou Ciss. Pour le dernier cité, n’eut été son manque de compétition, il ne fait aucun doute qu’il aurait pu être de la fête au Qatar en 2022. A côté d’eux, d’autres footballeurs ont pu, au fil des années, conquérir des places de titulaires indiscutables dans cet effectif. A l’exemple d’un Kalidou Koulibaly, Ismaila Sarr, Edouard Mendy, Youssouf Sabaly et Bouna Sarr. Depuis son accession à la tête de la tanière, Aliou Cissé a toujours conservé la même ossature si bien que l’absence de l’un de ses indéboulonnables est perçue comme un vide difficile à combler.
Une relève bien trop tendre et inconstante
Il faut aussi dire que « El Tactico » n’a pas l’embarras du choix niveau qualitatif chez les jeunes. Pour preuve, en l’absence de Sadio Mané, le rôle de leader de l’attaque avait été confié à Ismaila. Une consécration naturelle pour celui qui était un peu comme le Robin, le lieutenant de cette équipe sur le plan offensif pour son cheminement dans l’ombre du « Nianthio » au cours des dernières années. Mais les étincelles d’Izo sur certaines rencontres dans ce mondial 2022 n’ont pas suffi à entretenir la flamme de l’espoir. Le Ismaila Sarr rapide, technique et surtout nonchalant connu depuis la CAN de 2017 a conservé depuis lors le même potentiel. Toujours en attaque, le monde du football africain se souvient encore de la révélation de la CAN 2019 en Egypte : Krépin Diatta. Le virevoltant numéro 10 avait ébloui la compétition de son talent, laissant ainsi penser des lendemains radieux pour le Sénégal. Mais c’était sans compter le facteur blessure qui a eu un impact négatif sur son évolution notamment sur le plan mental. Cela s’est constaté pendant les matchs du Sénégal dans cette coupe du monde où le « Krépinho » entreprenant des années précédentes a laissé place à un joueur prudent soucieux d’éviter au maximum les contacts par peur de se blesser à nouveau.
A côté de ceux qui stagnent et des joueurs à l’apport décroissant, il y a ceux qui n’ont plus la chance de progresser en club. C’est le cas de Pape Matar Sarr et Pape Gueye. Pour le deuxième cité du côté de l’Olympique de Marseille, bien qu’il n’occupe plus une place de pilier dans le cœur du jeu, comme ce fut le cas avec Jorge Sampaoli, il peut s’estimer heureux d’être aligné sur certaines rencontres ou même être souvent utilisé dans la rotation. Un temps de jeu, certes, réduit mais qui a de quoi faire pâlir d’envie Pape Matar Sarr. L’ancien milieu du FC Metz, qui a rejoint Tottenham, cet été n’a tout simplement pas été utilisé par Antonio Conté en match officiel au cours de cette saison. Plus qu’un choix tactique, le jeune sénégalais souffre de la forte concurrence dans ce secteur du jeu, avec la présence d’un Yves Bissouma, par exemple. Sarr paie aussi son gabarit pas encore taillé pour la Premier League. Celui qui était plutôt sur une courbe ascendante du côté de Metz voit donc sa progression freinée. Conséquence en équipe nationale, les « Papis » Cheikhou Kouyaté et Idrissa Gueye sont poussés à faire de la résistance.
« Nos jeunes ont besoin de plus de maturité », Cheikh Sidy Ba
Pour Cheikh Sidy Ba, ancien international sénégalais et consultant, la barre était bien trop haute pour la nouvelle génération : « Un joueur comme Pape Matar Sarr sur qui les gens fondait beaucoup d’espoir, quand il est entré contre l’Angleterre n’était pas à la hauteur et il a été dépassé par le rythme et l’intensité. On a vu qu’à chaque fois qu’il avait le ballon, les joueurs anglais lui mettait des impacts physiques qu’il ne pouvait pas contenir. Donc, ça veut dire que nos jeunes joueurs sont encore un peu tendres et ils ont besoin de plus de maturité, de plus d’expérience, de plus de volume physique. C’est à cause de ça que Aliou n’a pas voulu les responsabiliser très tôt ».
Quid du fond de jeu de l’équipe nationale
Si le niveau de ces jeunes est pointé du doigt, il serait important de se pencher sur les facteurs qui ne favorisent pas leur épanouissement et parmi eux, on retrouve l’identité de jeu. Depuis 2015, marquant l’arrivée d’Aliou Cissé, il est impossible de décrire exactement le fond de jeu sur lequel cette sélection s’appuie. Les quelques certitudes qui ressortent après leurs matchs sont leur solidité défensive et l’animation sur les ailes bien emmené par le maître à jouer Sadio Mané. Pour le reste, c’est un manque d’organisation du jeu notamment au milieu de terrain. Selon Cheikh Sidy Ba, la solution à ce problème passe par une refonte profonde. « Il faudrait qu’on ait un fond de jeu pour que toutes les équipes nationales jouent de la même façon. Quand tu vas chez les U17, c’est différent, quand tu vas chez les U20, c’est autre chose. Idem pour les U23, ne parlons même pas de l’équipe nationale locale. Mais là, quand un jeune quitte l’équipe nationale U23 l’équipe nationale locale et il va en A, il va trouver là-bas un autre système de jeu, une autre identité de jeu où il faudra qu’il s’adapte », estime-t-il.