Les résidus de ce qui fut l’aile politique se réduisent à des rentiers de la guerre. Le mouvement n’a jamais été aussi faible. Face à l’offensive de l’armée, il se bat avec l’énergie du désespoir. L’Etat a une occasion unique de tourner la page du conflit.
«Ce ne sont pas les fétiches qui ont ressuscité le Mfdc dans les années 80, et la bataille engagée par Diamacoune relève de la modernité et non d’une tradition qui fait l’objet d’une manipulation de sa part et de la part du pouvoir. Ce ne sont pas non plus les notables traditionnels (terme fourre-tout qu’utilisent les acteurs du conflit) qui ont avancé l’argument selon lequel la Casamance est avec le Sénégal et pas dans le Sénégal. La Casamance dont parle Diamacoune est méconnue de ces chefs traditionnels qui, étant analphabètes pour la plupart, ignorent à la fois les enjeux autour de «la lutte de libération» et les limites géographiques.» Cette réflexion de Paul Diédhiou se lit à la page 263 de l’ouvrage collectif Le Sénégal sous Abdoulaye Wade de Momar Coumba Diop. C’est l’une des réflexions les plus profondes qu’il ait été donné de lire sur le conflit, car cette vérité résume l’imposture intellectuelle et historique des idéologues du Mfdc, à commencer par Diamacoune.
Le premier pan du mur de cette imposture intellectuelle et historique s’est effondré après le témoignage de la France, à la demande de Diamacoune lui-même. Le témoignage de Jacques Charpy avait confirmé que l’Abbé avait vendu du vent et des illusions à ses partisans. Le coup fut rude pour l’aile politique du Mfdc qui ne s’est jamais relevée de la clarté brutale de l’histoire et de l’évidence politique, car elle perdait l’argument politique et historique qui fondait sa revendication. Aujourd’hui, le silence assourdissant de l’aile politique, des intellectuels du Mfdc face aux offensives de l’armée il y a un an contre le front sud, et aujourd’hui contre le nord, est la preuve que le conflit dans sa dimension politique est terminé, car la revendication du Mdfc n’a aucun fondement historique et est devenu un anachronisme sur le plan politique. Depuis que le Mfdc a perdu ses illusions politico-historiques, que Diamacoune a emmenées dans sa tombe, il a dégénéré en mouvement criminel, comme toute guérilla qui n’a plus de finalité politique ou convaincue que l’objectif politique est impossible ou illusoire. Les résidus de ce qui fut l’aile politique se réduisent à des rentiers de la guerre, qui font de la rébellion confortablement attablée sur les bords de la Seine, du Rhin ou du Lac Léman. Aujourd’hui, même eux ont rangé les langues pour ne pas dire les armes des déclarations et des communiqués intempestifs. Le Mfdc n’a jamais été aussi faible politiquement et militairement mais face à l’offensive de l’armée, il se bat avec l’énergie du désespoir, car ne pouvant plus se replier ni en Gambie ni en Guinée-Bissau comme il le faisait depuis le début de la guerre.
La prise d’otages des soldats sénégalais aura été le dernier coup d’éclat de Salif Sadio qui, avec les récents braquages, rappelle aussi qu’il a encore une capacité de nuisance pour pousser l’Etat à la négociation. L’Etat ne devrait pas commettre cette erreur car les derniers braquages relèvent plus d’un manque de vigilance de l’armée que d’une capacité de nuisance du Mfdc. Le Mfdc est mort politiquement et sur le plan militaire, il n’a plus rien à voir avec le mouvement des années 90. L’Etat a une occasion unique de tourner la page du conflit et mettre fin à la guerre de Sisyphe en démantelant toutes les bases, en les occupant de façon permanente pour faire revenir les populations qui, depuis la fin des années 90, demandent à être délivrées de leurs «libérateurs».
Le début de la fin du Mfdc a commencé à la fin des années 90 quand les populations avaient commencé à manifester pour le retour des cantonnements militaires ou contre leur démantèlement, pour être protégées contre ceux qui prétendaient les «libérer». Le Mfdc n’a pas seulement pris en otage des soldats, mais il a pris en otage toute une région avec un potentiel immense. La région de Ziguinchor, qui est la seule au Sénégal à avoir deux aéroports, un port, a tout le potentiel pour détrôner Dakar. Saint-Louis est notre passé, Dakar notre présent mais l’avenir du Sénégal est dans l’axe Ziguinchor-Tamba. Les populations qui se sont empressées de revenir dans leur village après les opérations de sécurisation dans le front sud, montrent qu’elles ne veulent plus être les otages de bandes armées. L’Etat aussi ne doit plus accepter que l’émergence de la Casamance, notre avenir, soit pris en otage par un individu et sa guerre privée personnelle. Avec des pouvoirs amis à Banjul et à Bissau, et un Mfdc qui n’a jamais été aussi faible, le Sénégal a une chance unique pour régler sa crise nationale la plus grave.