Pa Lamine Fall est pêcheur mais, il s’est mué en sauveteur au moment où la brèche de Saint-Louis continue de régurgiter les victimes de l’immigration irrégulière. Dix-neuf corps de migrants ont été repêchés depuis mercredi dernier après le chavirement d’une embarcation transportant 56 passagers. Seuls 4 rescapés ont été sauvés. Les autres sont portés disparus.
“Je ne parviens plus à dénombrer les cadavres que j’enterre durant l’année”, confie le sauveteur à L’Observateur. Il ajoute : “Beaucoup sont des migrants. Ces derniers ne savent pas nager. Donc, si la pirogue dans laquelle ils voyageaient chavire, forcément le nombre de morts est important.”
L’homme a fait 25 ans dans les opérations de sauvetage en mer. Celles-ci sont devenues une seconde activité pour lui. Il est même secondé par sa progéniture. Dans ce cadre, souligne-t-il : “Mon garçon qui est âgé de moins de 10 ans m’aide parfois à recueillir les corps.”
Fall explique : “Quand on me signale un corps qui se trouve en mer, je prends ma pirogue pour le récupérer. S’il n’est pas en état de décomposition, je le mets dans la pirogue. Mais, s’il est en état de putréfaction avancé, j’attache ses pieds. Ensuite, je noue la corde à la pirogue pour le traîner jusqu’à la plage. Les morts ne parlent pas et ne ressentent pas la douleur. C’est le seul moyen que je trouve pour les acheminer sur la berge pour les enterrer.”
Selon lui, les jeunes qu’il a eu à enterrer, à Saint-Louis, sont âgés entre 18 et 25 ans. Parmi les corps repêchés, un seul a été identifié. Celui-ci a été remis à la famille du défunt avant l’inhumation à Touba. “Il suffit de passer un jour sur l’eau pour que le visage soit défiguré”, dit-il, confiant que “c’est lorsque le corps est en état de décomposition qu’il flotte.”
Pire, précise-t-il, “il m’arrive de sauver un jeune qui me dit que c’est la quatrième fois que vous venez à mon secours”.