Avec le crépitement des armes en Ukraine, le monde a découvert, brusquement, à quel point les Etats sont dépendants les uns des autres. Les domaines sont en effet variés où cette interdépendance se fait ressentir. Tous les domaines sont concernés mais l’énergie et les denrées alimentaires apparaissent comme les plus sensibles. Ainsi, le rapport que la Banque Mondiale vient de rendre public contient des prévisions très pessimistes. Les prix des denrées devraient atteindre un niveau record. Et parallèlement, il y aura probablement une baisse de production au niveau alimentaire du fait des hausses de prix concernant les intrants.
Une situation qui survient dans un contexte de Covid-19 où la faim et même la famine étaient observées dans de nombreuses zones du continent et concernaient plusieurs pays dont ceux du Sud du Sahara comme le Sénégal. Aujourd’hui, si l’on se réfère aux prévisions des experts du Cilss, même la capitale Dakar, en général épargnée, est sous tension alimentaire. Car, la vie est chère dans la capitale sénégalaise et beaucoup n’arrivent plus à s’y alimenter correctement. Les gargotes et autres lieux de vente d’aliments douteux se propagent y compris dans les quartiers résidentiels où il y a maintenant des vendeurs de couscous et de bouillis. Pis, la banlieue de Dakar étouffe sous le poids de la démographie et de la promiscuité avec un niveau de vie faible par rapport au reste de la ville. Là aussi, la tension alimentaire y est forte.
Pendant ce temps, traditionnellement, des régions comme celle de Kédougou, de Sédhiou, de Tambacounda et bien d’autres, connaissaient, déjà, depuis les années passées, des situations de faim pour ne pas dire de famine. Une situation due à plusieurs facteurs dont notamment le manque d’anticipation au niveau des politiques publiques pour asseoir les conditions, à portée de main, de l’autosuffisance alimentaire dans de nombreux domaines. Le riz est l’alimentation de base sans que nous puissions équilibrer la balance commerciale à ce niveau, laquelle est largement déficitaire. Il en est ainsi d’autres céréales comme le blé qui n’est pas produit sur place et du maïs dont la production est insuffisante.
En l’absence de politiques cohérentes pour obvier ces manquements et combler le gap, l’importation est restée la seule alternative. Ce qui nous a rendus encore plus dépendants du reste du monde. Or, il sera difficile, dans les prochains mois, de concilier un pouvoir d’achat faible et une augmentation exponentielle des prix des denrées. Cette situation risque, immanquablement, de générer des troubles sociaux importants avec des élections prévues durant une période relativement longue. Il est nécessaire alors, pour les pouvoirs publics, de savoir anticiper, dès à présent, pour éviter le pire. C’est ainsi que les dépenses de l’Etat devront être revues et les charges amoindries dès à présent pour se concentrer sur l’essentiel. Il faudra également penser anticiper les pénuries dont celle du carburant, que nous subissons actuellement, par une politique plus rationnelle de stockage.
Mieux, c’est dès à présent que le redressement tant souhaité en matière agricole doit se faire pour tenter, dans les prochains mois, de réduire la dépendance à l’extérieur. Car, la stratégie la mieux partagée aujourd’hui au niveau pratiquement de tous les Etats, c’est de tout faire pour compter sur soi-même.
Malheureusement, étant ‘’mal partie’’ comme le théorisait René Dumont, l’Afrique doit redresser le cap, revoir ses priorités, rationaliser ses dépenses et se retrousser les manches pour retrouver une agriculture de subsistance si nous ne voulons pas que des scènes de famine insoutenables soient observables sur le continent.